quand les adolescents s’auto-diagnostiquent (à tort) sur TikTok

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En France et aux Etats Unis, plusieurs rapports tirent la sonnette d’alarme sur les adolescents qui consultent des contenus sur la santé mentale et qui pensent trouver une réponse fiable.

TikTok est le moteur de recherche préféré des adolescents. Et certains d’entre eux l’utilisent notamment pour faire des recherches sur la santé mentale, mais les comptes qui apparaissent sont loin d’être des contenus validés par des professionnels de santé et peuvent être dangereux.

Un phénomène qui s’illustre par le nombre de consultations de différents mots-clés sur le sujet: le #TDAH (pour Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité) recense 3,3 milliards de vues, #bipolarité: 7,7 millions de vues, #depression: 15 millions de vues ou encore #anxietydisorder: 855 millions de vues.

Et l’application elle-même attire les utilisateurs vers des contenus évoquant les problèmes de santé mentale. En effet, début juillet, le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur TikTok pointait du doigt la responsabilité du réseau social en matière de santé mentale chez les jeunes. Il ne faut pas plus de 8 minutes pour que des contenus sur les troubles alimentaires ou le suicide apparaissent, constate le rapport.

“Non seulement l’application capte fortement l’attention, conduisant ses utilisateurs à y passer de longs moments, mais ce temps passé serait dangereux pour les personnes les plus vulnérables”, affirme le rapport.

Une tendance qui inquiète

Même son de cloche outre-Atlantique. En mai dernier, le département de santé publique national tirait la sonette d’alarme: “Nous sommes au milieu d’une crise nationale de la santé mentale des jeunes, et je crains que les réseaux sociaux ne soient un facteur important de cette crise, une crise à laquelle nous devons nous attaquer de toute urgence”, déclarait Vivek Murthy, responsable du département auprès de l’agence Reuters.

Selon une étude réalisée par TikTok et menée à l’occasion de la journée de la santé mentale le 10 octobre 2022, 36% des jeunes entre 18-24 ans pensent que leurs amis et leur famille les jugeraient s’ils parlaient de santé mentale.

Alors un nombre croissant d’adolescents se tournent vers les réseaux sociaux et notamment TikTok pour obtenir des conseils, des ressources, observant ce qu’ils pensent être des vidéos fiables, tout en pensant reconnaître des symptômes, parfois de manière hasardeuse. Une tendance qui inquiète les parents et le corps médical.

Ces recherches concernent particulièrement les TDAH, les troubles du spectre autistique, le trouble dissociatif de l’identité, ou le trouble de la personnalité multiple. Désormais, les adolescents qui arrivent dans les cabinets de psychothérapeutes pensent déjà avoir réalisé un diagnostic par eux-mêmes.

Des contenus “vendeurs”

Une observation faite dans le corps médical, comme le souligne le psychiatre Thomas Cantaloup auprès de Tech&Co. En pédopsychiatrie ce sujet revient régulièrement, notamment en ce qui concerne les addictions ou les troubles alimentaires.

“Sur TikTok, parler du suicide ou des troubles mentaux fait des vues et donc ces contenus sont nombreux et vendeurs. Et cela produit des vidéos ‘sexy’ sur un sujet à prendre très au sérieux”, regrette le médecin.

Pour lui, trois raisons expliquent la consommation de ce type de contenus. D’abord le manque d’encadrement de l’utilisation de TikTok, “même si les plateformes font des efforts depuis le Covid. Il n’est pas du ressort des médecins, mais plutôt de l’Etat de prendre le problème à bras le corps”.

L’autre facteur peut être dû à un manque d’accès au soin et des délais d’attente très longs dans certaines zones, que ce soit pour un psychologue ou un psychiatre. Alors en attendant, les patients vont chercher sur les réseaux sociaux des bribes de réponses et de solutions à court terme. Enfin, la multiplication des contenus sur le développement personnel qui cartonnent sur les réseaux sociaux peut aussi jouer.

Le psychatre évoque aussi le grand nombre de contenus qui parlent des TDAH: “Les réseaux sociaux peuvent être une vraie porte d’entrée pour certains afin d’être sensibilisés à ce que sont les TDAH, à condition de regarder des contenus faits par des professionnels bien entendus. Et pour ensuite se tourner vers un psy”.

Il tient tout de même à souligner que les TDAH nécessitent plusieurs bilans et entretiens avant de poser un vrai diagnostic. Ce ne sont donc pas des vidéos sur TikTok qui vont remplacer un professionnel de santé.

Le rôle des plateformes

Pour Alexandra Hamlet, psychologue clinicienne à New York, interrogée par CNN, les réseaux sociaux devraient modifier les algorithmes pour mieux détecter lorsque les utilisateurs consomment trop de contenus sur un même sujet.

Du côté de TikTok, la plateforme rappelle à CNN qu’elle a déjà mis en place des mesures pour permettre aux utilisateurs de faire des pauses de temps d’écran. TikTok rappelle également avoir mis en place un système de classification des vidéos pour protéger l’accès à certaines vidéos aux mineurs.

La plateforme met en avant des ressources
La plateforme met en avant des ressources © Capture TikTok

La plateforme met en avant des ressources pour alerter sur le sujet via les tags #MentalHealth ou #StressRelief et fait collaborer des experts et des créateurs de contenus. Le but est d’inciter ces derniers à parler de la santé mentale de manière responsable.

Il existe quelques comptes fiables sur TikTok qui permettent notamment de se familiariser avec les questions de santé mentale, mais qui ne remplacent en rien la consultation d’un spécialiste, qu’il s’agisse d’un psychologue ou d’un médecin, notamment un psychiatre.



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