McKinsey embauche Lilli, le consultant qui menace les consultants ?

Lilli est une intelligence artificielle qui a comme projet dâaccompagner les juniors comme les seniors de chez McKinsey dans lâune de leurs tĂąches les plus Ă©nergivores et chronophages : la recherche dâinformation. Ă moins quâelle ne se mette elle aussi Ă prendre des dĂ©cisions ?
McKinsey & Company est rĂ©putĂ© pour ĂȘtre lâun des cabinets de conseil en stratĂ©gie des plus prestigieux, notamment du fait de ses recrutements sĂ©lectifs. Mais pour les milliers de consultants qui travaillent au sein de la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine, il va pourtant falloir faire de la place Ă une nouvelle recrue de taille. Lilli, qui a Ă©tĂ© annoncĂ© hier par la voie dâun communiquĂ©, est la nouvelle IA gĂ©nĂ©rative de McKinsey. Son rĂŽle dans la boĂźte a des chances dâĂ©voluerâŠ
PrĂ©sentĂ©e le mercredi 16 aoĂ»t par la voie dâun communiquĂ© de presse, Lilli a pour but dâaider chaque consultant dans ses tĂąches de prises dâinformations et de prise de contact. La sociĂ©tĂ© nâĂ©voque pas lâaprĂšs, lorsque lâIA pourra prendre dâelle-mĂȘme des dĂ©cisions, prĂ©fĂ©rant cantonner la place de Lilli au simple rĂŽle dâoutils. Le sujet est lâun des plus sensibles Ă lâheure oĂč le mĂ©tier de consultant est particuliĂšrement bien rĂ©munĂ©rĂ© et quâil est difficile de rentrer dans un cabinet.
Lâannonce intervient six mois aprĂšs que McKinsey a procĂ©dĂ© Ă la plus grosse vague de licenciements de son histoire, de lâordre de 2000 emplois, Ă la suite dâune croissance de recrutement trĂšs forte ces cinq derniĂšres annĂ©es.
« De nouveaux niveaux de productivité »
Avant dâĂȘtre une potentielle menace, Lilli sera bel et bien un outil qui aidera grandement les consultants dans leur travail. Et cela nâest pas seulement valable pour les profils juniors, dit la sociĂ©tĂ© : « mĂȘme pour les collĂšgues seniors, le travail prend gĂ©nĂ©ralement deux semaines de recherche et de rĂ©seautage », peut-on lire dans un communiquĂ©. Lâaide de Lilli offre un gain de temps de 20 %, estimait lâun de ses consultants.
Ănergivore et chronophage, la phase initiale est donc essentielle avant de pouvoir passer Ă lâanalyse et le rapport final pour le client dâun cabinet de conseil. « Avec Lilli, nous pouvons utiliser la technologie pour accĂ©der Ă lâensemble de nos connaissances et de nos actifs et en tirer parti pour atteindre de nouveaux niveaux de productivité », dĂ©clarait lâassociĂ© principal de McKinsey et directeur de la technologie et de la plateforme, Jacky Wright.
Dans son modĂšle, lâIA gĂ©nĂ©rative de McKinsey puise ses informations sous deux modĂšles. Lâun interroge une base de donnĂ©es suivant le modĂšle gĂ©nĂ©ralisĂ© des grands modĂšles de langages (LLM) et lâautre se focalise sur la base de donnĂ©es interne de McKinsey, un corpus de plus de 100 000 documents, dont des retranscriptions dâinterview que seule la sociĂ©tĂ© possĂšde. « Nous avons intentionnellement créé les deux expĂ©riences pour en savoir plus et comparer ce que nous avons en interne avec ce qui est accessible au public », rĂ©pondait Ă Â VentureBeat Erik Roth, qui a travaillĂ© dans lâintĂ©gration de lâIA Lilli.
« Une Ă©quipe de mission pourra consacrer plus de temps Ă la rĂ©solution de problĂšmes, au coaching, au renforcement des capacitĂ©s et a aidĂ© les clients Ă atteindre les performances quâils souhaitent atteindre », ajoutait Erik Roth dans le communiquĂ© de McKinsey & Company.
Le rÎle évolutif de « Lilli » chez McKinsey
Mais le « partenaire » quâil sera aura forcĂ©ment dâautres tĂąches Ă terme. Lilli nâest pas un employĂ© comme les autres, et en vue de ses capacitĂ©s, son rĂŽle Ă©voluera probablement. McKinsey ne sâen cache dĂ©jĂ plus : « il sâagit du premier de nombreux cas dâutilisation qui nous aideront Ă remodeler notre entreprise », annonçait Jacky Wright. Avec un gain de temps, les employĂ©s pourront aussi avoir affaire Ă davantage clients en simultanĂ©, nĂ©cessitant donc Ă terme des effectifs plus petits.
« Les gains de productivitĂ© de Lilli sont trĂšs intĂ©ressants, mais la capacitĂ© dâinspirer de nouvelles façons dâaborder les problĂšmes et de rĂ©pondre aux questions est inestimable », reconnaissait Josh Sternberg, consultant spĂ©cialisĂ© dans lâindustrie pharmaceutique.
Depuis 2017, McKinsey ne mentionne plus vraiment le terme de licenciement dans ses rapports sur lâIA gĂ©nĂ©rative et son impact sur lâĂ©conomie. PrĂ©fĂ©rant parler dâautomatisation, la sociĂ©tĂ© dĂ©clarait tout de mĂȘme que 70 % des employĂ©s se verraient libĂ©rĂ©s de certaines tĂąches de leur poste, dĂ©lĂ©guĂ©es Ă lâIA. Une estimation en hausse de 20 points par rapport Ă ses prĂ©cĂ©dentes estimations. Les activitĂ©s professionnelles seraient ainsi automatisĂ©es de moitiĂ©, entre 2030 et 2060.
Lâimportance relationnelle dans les cabinets figure parmi les arguments de dĂ©fense du rĂŽle des consultants face Ă lâIA. Le relationnel dĂ©terminerait la rĂ©putation et la confiance des clients, offrant Ă lâhumain une place privilĂ©giĂ©e dans lâĂ©quation. Tout cela repose cependant sur lâopinion que lâIA ne sache pas persuader ou construire une relation. Ă Lilli dâĂ©lucider cette question, en plus des 50 000 requĂȘtes quâelle aurait dĂ©jĂ reçues lors de ses deux premiĂšres semaines dâintĂ©gration.