Le muon, la particule qui agite les physiciens, refait parler de lui

Des physiciens sont passĂ©s Ă deux doigts de la dĂ©couverte de la dĂ©cennie : ils ont observĂ© un phĂ©nomĂšne non prĂ©vu par la thĂ©orie la plus aboutie de leur discipline. De quoi la rĂ©viser et imaginer que la nature avait jusquâĂ prĂ©sent cachĂ© au regard affĂ»tĂ© des scientifiques de nouvelles particules et de nouvelles forces.
Le phĂ©nomĂšne en question est le comportement du muon, une particule deux cents fois plus lourde que lâĂ©lectron et porteuse, comme lui, dâune charge Ă©lectrique nĂ©gative, qui ne tourne pas aussi rond que la thĂ©orie le prĂ©voit. Plus exactement, la rĂ©action de cette particule Ă lâapplication dâun champ magnĂ©tique sâavĂšre plus Ă©levĂ©e que dans les calculs. Pas grand-chose, environ 0,0002 % de plus, ce qui est suffisant pour penser Ă la manifestation dâune nouvelle physique, encore inconnue. Et donc excitante.
Une thĂ©orie elle-mĂȘme incertaine
Le rĂ©sultat a Ă©tĂ© annoncĂ© le 10 aoĂ»t par la collaboration internationale Muon g â 2 (« g â 2 » faisant rĂ©fĂ©rence au moment magnĂ©tique de cette particule, qui rĂ©git la maniĂšre dont il interagit avec un aimant). Il est deux fois plus prĂ©cis que celui annoncĂ© en avril 2021, grĂące Ă presque quatre fois plus de donnĂ©es, obtenues au laboratoire Fermilab de Chicago par un groupe de 180 chercheurs de sept pays.
Autre progrĂšs obtenu en deux ans : la confiance statistique dans le rĂ©sultat est Ă©galement plus forte. A lâĂ©poque, les chercheurs estimaient que lâĂ©cart entre thĂ©orie et expĂ©rience pouvait trĂšs bien ĂȘtre dĂ» au hasard, avec une chance sur 40 000. Comme six dĂ©s qui tomberaient sur 6 du premier coup. Cette fois, avec plus de « lancers de dĂ©s », la chance se rĂ©duirait Ă une sur un million et demi (comme obtenir huit 6 avec huit dĂ©s dâun coupâŠ). Dans cette discipline, ce critĂšre est suffisant pour clamer une dĂ©couverte et affirmer que lâexpĂ©rience ne colle pas Ă la thĂ©orie.
Sauf que⊠la thĂ©orie elle-mĂȘme nâest pas certaine ! Certes, la thĂ©orie qui dĂ©crit les trois forces agissant sur les particules Ă©lĂ©mentaires, le modĂšle standard, est robuste et nâa jamais Ă©tĂ© mise en dĂ©faut. Mais cela se complique lorsquâon veut calculer ce qui se passe dans le dĂ©tail. Et les dĂ©tails, concernant le moment magnĂ©tique, ne manquent pas car, pour prĂ©dire sa valeur, il faut tenir compte des interactions fugaces et nombreuses du muon avec un ensemble dâautres particules. Deux mĂ©thodes, pour lâinstant incompatibles, ont Ă©tĂ© proposĂ©es pour y parvenir. La premiĂšre est basĂ©e sur des donnĂ©es obtenues par dâautres expĂ©riences, portant sur dâautres particules. Comme si, pour prĂ©dire la masse dâune planĂšte, on se servait de lâorbite dâautres astres. La seconde repose sur des simulations numĂ©riques astucieuses mais trĂšs longues.
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