le candidat surprise de centre gauche Bernardo Arevalo élu président


La surprise est confirmée au Guatemala. Le candidat de centre gauche Bernardo Arevalo a remporté le second tour de l’élection présidentielle, dimanche 20 août, d’après les résultats officiels du Tribunal suprême électoral (TSE).
« Heureusement, nous avons déjà une tendance extrêmement importante », a déclaré Irma Palencia, présidente du TSE, en annonçant que M. Arevalo, objet de tentatives de disqualification pendant la campagne électorale, avait obtenu 59 % des voix après le dépouillement de 95 % des suffrages. Sa rivale, l’ancienne première dame Sandra Torres, en a recueilli 36 %, selon le décompte officiel. Le nouveau président prendra ses fonctions le 14 janvier 2024.
Le scrutin s’est déroulé sans qu’aucun « incident significatif » ne soit signalé dans les quelque 3 500 bureaux de vote du pays, a déclaré le TSE, soulignant sans plus de précisions un « pourcentage historique de participation ».
Symbole d’un nouveau départ
Les deux candidats en lice, Bernardo Arevalo, 64 ans, et Sandra Torres, 67 ans, se réclament tous deux de centre gauche. Le premier incarne les espoirs de changement, notamment chez les jeunes qui représentent 16 % des 9,4 millions d’inscrits, alors que sa rivale était considérée comme la représentante de l’establishment.
Qualifié à la surprise générale lors du premier tour, M. Arevalo se veut le symbole d’un nouveau départ dans un pays profondément inégalitaire. « Nous avons été les victimes, les proies, de politiciens corrompus pendant des années », a-t-il déclaré mercredi. « Voter, c’est dire clairement que c’est le peuple guatémaltèque qui dirige ce pays, et non les corrompus », a-t-il assuré alors que, selon les sondages, sa victoire se dessinait de plus en plus nettement. Ce sociologue et ancien diplomate est le fils du premier président démocratiquement élu du pays, Juan José Arevalo (1945-1951).
A la tête du parti Unité nationale de l’espoir (UNE), Sandra Torres avait, de son côté, promis des programmes d’aide sociale et diverses subventions pour les pauvres. Cependant, elle avait gagné le soutien de la droite et des évangélistes et multiplié les discours conservateurs. L’ancienne épouse de l’ex-président de gauche Alvaro Colom (2008-2012) bénéficiait du soutien silencieux du président sortant Alejandro Giammattei, dont le mandat a été marqué par la répression contre les magistrats et les journalistes qui dénonçaient la corruption. Elle avait aussi l’appui de la puissante élite économique alliée au gouvernement.
Préoccupations parmi les élites économiques et politiques du pays
Mme Torres, plusieurs fois candidate malheureuse à la présidence par le passé, a focalisé sa campagne sur la lutte contre les bandes criminelles et contre la pauvreté, et a multiplié les attaques contre son rival, qu’elle a qualifié d’étranger « car né en Uruguay durant l’exil de son père.
« Nous ne pouvons pas permettre que le Guatemala tombe entre les mains de radicaux. Nous ne pouvons pas permettre que le Guatemala devienne un Venezuela ou un Cuba », a déclaré Mme Torres, qui a fait l’objet des mêmes accusations de la part de rivaux de droite lors de ses deux campagnes précédentes. Dans la dernière ligne droite de la campagne, vendredi, elle a même mis en doute la partialité du processus électoral, se disant « préoccupée par toute altération des données » de comptage des voix par les personnes habilitées du TSE.
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La spectaculaire percée de Bernardo Arevalo a suscité des préoccupations parmi les élites économiques et politiques du pays, qui le voient comme un danger pour leurs intérêts, et le ministère public a multiplié les procédures à son encontre. Sur avis du parquet, un juge avait ordonné le 12 juillet la suspension de son parti Semilla pour de supposées irrégularités lors de sa création en 2017. La Cour constitutionnelle avait suspendu cette décision, annulée vendredi par la Cour suprême.
La veille, le procureur Rafael Curruchiche, sanctionné pour « corruption » par Washington, avait annoncé de possibles arrestations à venir de dirigeants de Semilla. Communauté internationale et analystes considèrent les actions du ministère public comme une tentative d’écarter M. Arevalo de l’élection.
Trois décennies après la fin de sa brutale guerre civile, le pays le plus peuplé d’Amérique centrale est enlisé dans la pauvreté, la violence et la corruption, ce qui pousse chaque année des milliers de Guatémaltèques à émigrer.