la collision inédite entre les calendriers politique et judiciaire s’accélère


Il existe des millions de photos de Donald Trump. Flatteuses ou ridicules, solennelles ou saugrenues. Celle saisie jeudi 24 août se distingue entre toutes : c’est un mug shot, une photo d’identité comme prévenu. Le regard de l’ex-président américain est droit, dur, défiant. La lumière artificielle ne tombe que sur son profil gauche. Donald Trump s’est formellement livré à la justice dans le comté de Fulton à Atlanta (Géorgie), cadre de sa quatrième inculpation en quelques mois, décidée par un grand jury le 14 août. La caution pour sa remise en liberté avait été fixée à 200 000 dollars. Il est donc reparti comme il était arrivé : libre et aux abois.
Donald Trump est poursuivi avec 18 autres personnes – dont Rudolph Giuliani, son ancien avocat, et Mark Meadows, qui dirigea son cabinet à la Maison Blanche – pour avoir fomenté une « entreprise criminelle » en vue de manipuler le résultat en Géorgie de l’élection présidentielle de 2020, à l’instar d’efforts similaires dans plusieurs autres Etats clés. La procureure, Fani Willis, fait preuve d’ardeur et de fermeté dans ses échanges avec les avocats. Elle envisage un procès dès mars 2024, mais le calendrier demeure incertain.
Le mug shot de Trump a un destin iconique, reproduit de T-shirt en affiche, de site en mème par sa propre équipe. Le milliardaire a d’ailleurs marqué son retour sur X (ex-Twitter) après deux ans d’abstinence, diffusant la photo avec le slogan « ne jamais se rendre ! » Un paradoxe : il venait de le faire. Dès la veille, mercredi, l’ex-président avait confirmé sa venue à Atlanta, sur son réseau Truth Social : « je serai fièrement arrêté demain après-midi en Géorgie. »
Il a remis ça jeudi, en annonçant l’heure de son arrestation formelle : 19 h 30. Ce ton bravache résume sa stratégie. Au lieu de mettre derrière lui les accusations mensongères de fraudes lors de la présidentielle de 2020, Trump creuse ce sillon où la vérité se noie. « Les preuves sont irréfutables ! », écrivait-il jeudi. A plusieurs reprises, il a organisé dans son club de golf de Bedminster (New Jersey) des soirées de soutien à l’organisation Patriot Freedom Project, qui défend les condamnés dans l’enquête fédérale pour l’assaut contre le Capitole.
Le Parti républicain contre la police et la justice
La collision des calendriers politique et judiciaire est à la fois une bénédiction et une migraine pour Donald Trump. Elle lui coûte cher financièrement et risque de l’empêcher, au printemps 2024, de conduire une campagne classique, au fil des primaires. Mais elle lui a permis de cimenter la base républicaine depuis le début 2023. Trump a choisi de transformer la chronique judiciaire en un feuilleton à grand spectacle, dont il serait un héros tragique, un martyr souffrant pour les siens.
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