Chez les Palestiniens d’Israël, le fléau du crime organisé

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Ammar et Omar, deux jeunes frères, se réveillent tôt, ce jeudi de janvier 2022, et vont sauter sur le lit de leur père, Mohammed Hujairat, pour le réveiller. Celui-ci ne peut rien reprocher à ses deux enfants adorés, surtout Ammar, son premier fils après dix-sept ans de mariage avec sa femme Aïcha, qui lui avait préalablement donné quatre filles. La vaste maison respire le calme et le gros village, Bir Al-Maksur, la quiétude des matins d’hiver. Vivent ici les héritiers de ceux qui ont échappé à la Nakba, l’exode forcé de 700 000 Palestiniens en 1948 – la moitié de la population de la Palestine historique. Aujourd’hui, deux millions de Palestiniens vivent à l’intérieur des frontières internationalement reconnues d’Israël.

Père et fils se lèvent enfin. Mohammed, ouvrier du bâtiment, doit partir pour le travail. Ammar est déçu. « Je suis en colère contre toi », proteste-t-il. « Ce sont les derniers mots qu’il m’a adressés », se souvient Mohammed Hujairat. Il s’en va. La tante de l’enfant l’emmène avec ses cousins dans un parc. Ammar se console. Dans une vidéo envoyée à son père, il dit : « Papa, je t’aime. » Une dizaine de secondes plus tard, il est tué par une balle perdue. Un tireur était venu mitrailler un camion-benne, sur le chantier au-dessus, dans le cadre d’une dispute entre entrepreneurs, sur fond de vol de matériaux.

Aïcha Hujairat et son deuxième fils Omar, chez eux à Bir Al-Maksur, le 12 août 2023.
Mohammed Hujairat prie dans le salon de sa maison à Bir Al-Maksur, le 12 août 2023.

Disputes familiales, brouilles entre propriétaires, prêts non remboursés, trafic d’armes, de drogue, racket : dans les communautés palestiniennes d’Israël, une violence de plus en plus meurtrière accompagne le développement d’une criminalité de plus en plus entreprenante. Cent cinquante-sept Arabes israéliens ont été tués depuis le début de l’année dans ce genre de règlements de compte, contre 116 durant les douze mois de 2022, selon Abraham initiatives, une association qui milite pour l’égalité entre citoyens juifs et arabes. Selon un rapport de la Knesset, les personnes qui ont succombé à un meurtre en Israël, entre 2018 et 2022, sont à 70 % des Palestiniens, alors que cette communauté ne constitue que 20 % de la population de cet Etat.

Dans une rue de Umm Al-Fahm, en Israël, le 15 août 2023. Les fresques qui ornent ce mur sont l’œuvre de Kifah Ghbarieh, une artiste qui a perdu sept membres de sa famille lors de violences au sein de la communauté arabe israélienne de la ville.

Si les chiffres ont explosé à partir de 2018, les causes de ce phénomène sont anciennes. Les communautés palestiniennes ont été historiquement négligées par Israël. Le nombre commissariats desservant les quelque 80 bourgs et villes arabes du pays − villages et hameaux n’étant pas comptés dans cette catégorie − s’élève à 16, selon le décompte d’Adalah, une organisation qui défend les droits de la minorité arabe en Israël. « Les institutions d’Etat n’ont jamais été vraiment présentes dans ces zones. Ce qui a permis à de petites organisations criminelles de prospérer », explique Moran Maimoni, codirectrice des affaires publiques chez Abraham Initiatives.

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